Témoignage : une jeune travailleuse en Péjigonie

Le Parlement Jeunesse, j’en avais entendu parler depuis mes 17 ans, par une étudiante en institutrice maternelle qui s’y était “éclatée”. Cela avait l’air sympa comme expérience, génial même, et puis…. J’ai oublié. Je m’engage alors dans la représentation estudiantine, débats encore et encore, joue la stratégie, me prends des coups dans le dos, en envoie à mon tour et finit par démissionner, dégoûtée par tant de coups tordus. Cinq ans plus tard, une affiche fait remonter ce souvenir à la surface. J’envisage d’y postuler, je croise des anciens qui m’encouragent… Et trouve un autre engagement pour cette semaine. L’année suivante, je vais un peu plus loin sur le chemin qui mène au fabuleux monde du PJ : j’en arrive même à remplir le formulaire d’inscription, écrire ma lettre de motivation… Et au dernier moment, j’hésite : être en 2e master, n’est-ce pas trop tard pour participer à ce genre d’expérience ? J’ai déjà pu voir combien l’engagement politique des jeunes pouvait parfois être vicieux, ai-je vraiment envie de m’y confronter à nouveau ? Ma main, retombe, les secondes passent, et une année de plus s’envole en emportant ma candidature avec elle. Cela me semblait définitif : en effet, l’année d’après, je devais me lancer dans la vie active, et je voyais mal comment la combiner avec toutes mes activités.

Puis, l’année passée, une Marie-la-bonne-fée m’encourage. J’ose enfin écrire une lettre de motivation originale et décalée, dans laquelle je mets toute ma passion et toutes mes idées. Quelques mois plus tard, en recevant une réponse positive du Parlement, j’ai littéralement sauté de joie ! Or, j’étais au chômage depuis trois mois, et je me suis rendue compte que mes parents ne me laisseraient jamais y aller si je ne trouvais pas d’emploi. Mais si j’en trouvais un, il me sera quasi impossible de participer à la simulation ! Alors, j’attends et j’espère trouver une solution. Le 4 janvier, j’apprends que je suis prise comme secrétaire dans une école : miracle ! J’aurai mes vacances de Carnaval ! Un mois plus tard, je me retrouve valise à la main, prête à commencer la belle aventure.

Alors, certes, la plupart des participants sont plus jeunes que moi. On est peu dans la vie active. Ce qui signifie que notre rôle est d’autant plus important, car nous avons d’autres expériences de vie à partager. Ils sont plus jeunes mais nous n’avons plus l’âge où la maturité est déterminée par notre date de naissance. Souvent, on s’étonne dans les discussions : « Ah bon, tu n’as que 21 ans ! » « Non ?! Tu en as déjà 25 ? ». Fous rires garantis ! Les débats sont riches, c’est ça, l’important.

Il est vrai que je viens de la filière d’histoire, qui n’est pas la première à laquelle on pense quand on entend « parlement ». Pourtant l’étude des sociétés d’autrefois ne doit pas occulter l’étude de notre monde tel qu’il est actuellement. Elle doit permettre de tirer les enseignements du passé afin d’établir une société qui serait plus conforme à nos souhaits.

La première personne qui m’avait conseillé de postuler au Parlement Jeunesse faisait des études d’institutrice maternelle, parce que les enfants, les jeunes c’est l’avenir. Elle voulait me montrer qu’il n’est pas nécessaire de faire des études de droit ou de science po pour avoir une opinion. Pas mal de nos élus n’ont d’ailleurs pas fait ces études. Et c’est pour ça qu’on vit en démocratie et pas en technocratie.

Par ailleurs, il faut admettre que si tout le monde peut avoir un avis sur diverses problématiques, nous sommes peu nombreux à être suffisamment passionnés que pour en débattre. Aussi, le Parlement Jeunesse permet tout simplement de rassembler des juristes, historiens, instituteurs, pilotes, kinésithérapeute, dentistes, élèves, professeurs,… qui sont intéressés par leur rôle de citoyen au même endroit. Après tout, partager sa passion avec d’autres, quoi de plus enrichissant ?

Certes, les enjeux ne semblent pas concrets et la simulation pas assez réaliste car il manque les partis et les lobbyistes. Ce manque d’enjeux réels nous permet justement de pouvoir débattre en toute sérénité, sans stratégies politicardes, sans chantage, coups bas et tutti quanti. Le Parlement Jeunesse m’a redonné foi dans la capacité des jeunes à débattre respectueusement, à croire en leurs propres idées tout en écoutant celles des autres. Ne pas avoir de parti oblige le jeune à se confronter à ses idées, à les assumer ou à pouvoir les modifier. Lorsque nous votons, nous nous posons réellement la question : est-ce que c’est une vision de la société que j’ai envie de défendre ? Et quels plus grands enjeux que de permettre à une centaine de jeunes d’établir leur propre opinion en tenant compte de celle des autres ? De leur apprendre à dire cette phrase bien connue (dont on ne sait plus si elle vient de Voltaire ou non) : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire » ?

Effectivement, cette semaine est si riche en émotions qu’elle en est fatigante. Car éclater de rire, craindre de prendre la parole en public, rassembler son courage pour le faire, applaudir les idées des uns et des autres et partir à la rencontre de tout le monde, c’est épuisant. Mais il s’agit d’une fatigue saine, meilleure que celle éprouvée après avoir passé la semaine de vacances à regarder la saison 1 et 2 de Game Of Thrones. Meilleure que celle d’avoir fait la fête trois jours de suite jusqu’à quatre heure du matin pour ne se souvenir de rien au final. Meilleure enfin que de rester toute la journée devant son Facebook à râler contre le système, les politiques et « tous ces idiots qui sont pourris qui ne comprennent rien de toute façon et ne pensent qu’à eux ».

En effet, cette semaine au Parlement Jeunesse, elle permet de grandir, d’évoluer, de s’ouvrir, de comprendre que les autres nous apportent beaucoup mais que nous, nous pouvons également offrir énormément aux autres.

Je m’adresse désormais à toi, qui hésite à postuler en te disant que ce n’est pas pour toi, que tu ne connais rien au système parlementaire ou la politique, ce n’est pas pour toi.

Avec, le Parlement Jeunesse, tu vas pouvoir être plus sûr de toi et de tes opinions ou éventuellement les remettre en question. Tu vas découvrir un processus citoyen, une centaine de jeunes ouverts, idéalistes et respectueux, mais surtout tu vas te découvrir toi-même (merci à notre ministre Wissem Amimi pour cette réflexion !). Ne penses-tu pas que la réalisation d’un tel saut dans ta recherche d’une identité citoyenne vaut le dépassement de tous tes doutes et inquiétudes ?

Alors, maintenant, prends ta plume, ton bic ou ton ordi et rédige-nous la plus belle, la plus originale et la plus décalée lettre de motivation que tu peux. Montre-nous toute la richesse que tu peux nous apporter, montre-nous tout ce que nous pouvons t’offrir ! Prends ton élan et…Vas-y ! Saute !

Eloïse Moutquin, 25 ans, chercheuse en histoire de l’urbanisme